Stage d’iconographie de septembre 2021 à Pellevoisin
Du 27 septembre au 2 octobre, le père Jean Baptiste Garrigou (lien vers le site de son atelier) a conduit une deuxième session d’iconographie à Pellevoisin. Onze personnes de niveaux divers ont participé à la session.
Notre iconographe a invité les plus avancés à “écrire une confession de foi” sous la forme d’une fresque, qui enrichit désormais le fond du choeur de la “basilique de verdure” à l’esplanade.
Sont ainsi associés l’évocation de la passion du Sauveur par la croix avec une expression de sa victoire dans la gloire de la résurrection.
Le Christ Jésus glorifié présente avec douceur les plaies de sa passion et son coeur ouvert. Il étend les bras dans le même geste que la Vierge Marie lors des apparitions à Pellevoisin. Le Ressuscité est entouré des “quatre vivants” (le tétramorphe) qui expriment le témoignage et l’annonce des quatre évangélistes vers les quatre points cardinaux. C’est à leur suite et à leur exemple, que nous écoutons l’exhortation de la Mère de Miséricorde : “Publie ma gloire”.
Cette nouvelle oeuvre aide à bien percevoir combien la conduite de la Vierge Marie sur Estelle à Pellevoisin, se situe fortement enracinée dans la longue chaine de transmission de l’Evangile et nous y renvoie, tout en l’explicitant pour notre temps.
Pourquoi le tétramorphe a-t-il été tant représenté notamment du 10ème au 14ème siècle ?
Parce que cette image des quatre vivants ailés qui tirent le char de la vision d’Ézéchiel (Ez 1 ; 1-14) a été reprise dans l’Apocalypse (Apoc 4; 7-8), comme l’aboutissement de la mission du Christ qui confie son message à l’Eglise. Les Pères de l’Eglise y ont vu l’emblème des quatre Evangélistes : le lion pour Marc, le taureau pour Luc, l’homme pour Matthieu et l’aigle pour Jean. Ils accompagnent souvent les représentations du Christ en majesté.
Avant la Bible, on trouve les figures des quatre vivants en Egypte et à Babylone en Mésopotamie, où étaient représentées quatre divinités secondaires sous cette forme. Ils figuraient les quatre points cardinaux (Lion-Nord, Serpent-Est, Aigle-Sud et Taureau-Ouest). Dieu s’est manifesté à Ézéchiel dans des visions en empruntant le langage imagé de la culture babylonienne, dans laquelle il vivait.
Saint Irénée de Lyon, au IIe siècle, a le premier identifié ces quatre vivants aux quatre évangélistes. Irénée ouvre la veine d’interprétation des Pères Grecs qui voient l’aigle en Marc, le lion en Jean, le taureau en Luc, le visage d’homme en Matthieu. D’autres correspondances ont été proposées : au lieu du premier génétique, le premier de perfection : Marc (avec la répétition du ‘aussitôt’ utilisé 41 fois correspond à la rapidité du Lion ; Matthieu relève du passage des sacrifices anciens à l’unique Sacrifice nouveau ; Luc exprime le visage permanent de la Miséricorde du Père (Cf. Lc 15, etc.); Jean contemplant le Verbe, l’Unique-engendré du Père, illumine tout le mystère révélé tel le regard d’un aigle en plein vol.
A la suite de saint Augustin (354 – 430), saint Jérôme (347 – 420) et saint Grégoire le Grand (540 – 604) ont frappé leurs lecteurs en faisant correspondre le début de chaque évangile par le signe d’un des quatre Vivants. Dans la Catena Aurea, saint Thomas d’Aquin (1225 – 1274) a développé cette interprétation symbolique nourrissante pour la foi.
Ainsi, les premières paroles de chaque évangile nous donnent la clé de l’attribution de l’un des quatre Vivants à chacun des quatre évangélistes, selon une tradition acquise de longue date.
Les trois évangiles synoptiques expriment davantage la vie active du Messie, qui enseigne, gouverne et sanctifie. L’Evangile de Jean dévoile la source contemplative de cette vie active qui réside dans sa filiation divine, source de grâce et de vie divine.
Matthieu, qui parle aux hébreux, ouvre son évangile par la généalogie légale de Jésus, celle qui comprend Joseph, mais en précisant la filiation humaine en Marie :
« Livre de la genèse de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham : Abraham engendra Isaac… » (Mt 1, 1-2).
C’est un visage d’homme qui représente l’Evangile selon saint Matthieu, prophétisant par les béatitudes l’homme nouveau restauré en grâce.
Marc, secrétaire de Pierre, parle aux romains et commence ainsi son évangile :
« Commencement de l’Évangile de Jésus Christ, fils de Dieu. Selon qu’il est écrit dans Isaïe le prophète : « Voici que j’envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur… » » (Mc 1, 1-3).
La voix qui crie dans le désert est celle d’un lion, symbole de l’Evangile selon saint Marc, parce qu’il présente aux puissants de ce monde le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, le vainqueur de tout mal.
Luc, médecin grec, s’adresse au monde raffiné de la culture, il présente Celui qui sanctifie la personne humaine, qui lui donne son achèvement en rétablissant son lien avec Dieu. Après une dédicace à Théophile (Lc 1, 1-4), commence ainsi le corps de son évangile :
« Il y eut aux jours d’Hérode, roi de Judée, un prêtre du nom de Zacharie, de la classe d’Abia… » (Lc 1, 5).
Le prêtre, selon la loi mosaïque, sacrifie au Temple le taureau, le bouc, l’agneau ou la colombe. Le taureau est l’animal emblématique du sacrifice en ce qu’il exprime l’offrande de la force et la vitalité. C’est pourquoi le taureau est le symbole de l’Evangile selon saint Luc
Jean, qui s’adresse à l’Asie Mineure assoiffée de transcendance, ouvre son évangile par un prologue (Jn 1, 1-18) sur le Verbe, la voix venue du ciel.
Le symbole attribué à l »Evangile selon saint Jean est l’aigle dont le regard peut à la fois fixer le soleil en volant au zénith et fondre sur sa proie à la vitesse de l’éclair.
Le résumé de la mission du Christ
Saint Jérôme y voit également les quatre moments essentiels de la vie du Christ : Le Verbe de Dieu s’est incarné (l’Homme), il a été tenté au désert (le lion), il a été immolé (le taureau) et il est monté au ciel (l’aigle).
Le plus ancien tétramorphe connu en France provient du sarcophage mérovingien de l’abbaye ND de Jouarre, fondée au VIIe siècle. La cathédrale Saint Sernin de Toulouse (844) recèle un retable en pierre représentant en sa base le tétramorphe en pied dans l’ordre suivant : Luc et un taureau, Matthieu et un ange, Marc et un lion, Jean et un aigle
De très nombreux tympans, fresques, mosaïques et manuscrits sont ornés d’un tétramorphe :
- Tympan de Notre-Dame de Chartres
- Tympan de Saint-Etienne de Bourges
- Tympan de Saint-Pierre d’Angoulême
- Tympan de Saint-Trophime d’Arles, vers 1180
- Tympan de Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Maguelone
- Tympan de Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand
- Tympan de l’Abbaye Notre-Dame de Ganagobie
- Tympan de Notre-Dame-des-Rois à Embrun…
- Fresque de Paluau
- Fresque de Panteon de los Reyes
- Fresque de Lavaudieu
- Fresque de Saint-Paul-Trois-Châteaux
- Fresque de la chapelle Saint-Michel d’Épinal
- Fresque de la chapelle saint Michel de Brioude…
- Mosaïques de Sainte marie Majeure Rome (432-440)
- Mosaïques de Saint-Vital de Ravenne et Saint-Apollinaire à Ravenne (549) …